Le Cinéma d'Aska

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Famille et conséquences



Les Soeurs Fâchées
Vu le 10/1/2004 à l'UGC Normandie Salle 2
Conditions : bonnes

Trois femmes gravitent autour de ce long métrage. Les deux premières sont les actrices principales : Isabelle Huppert et Catherine Frot dont c'est la première collaboration. La troisième est la réalisatrice Alexandra Leclère. Elle ne cache pas l'aspect autobiographique de ces Soeurs Fâchées ce qui est bien normal pour un premier film.

Les Soeurs Fâchées est donc une comédie qui arbore fièrement son Label des spectateurs UGC. J'ai assisté une fois à une de ces séances à l'aveugle. J'étais plutôt excité et je suis tombé sur La Vie De David Gale qui m'a bien déçu. Le film a quand même reçu le label. Cela m'a amené à revoir mon jugement très positif vis à vis de celui-ci.

Le film a ici tout pour plaire et ce sujet familial de retrouvailles de circonstances entre deux soeurs, Martine (Huppert) et Louise (Frot) que tout oppose à Paris peut-être un sujet fédérateur, vecteur de rire et d'émotion.

Le début fleure bon la comédie dramatique populaire que laissait envisager le marketing autour du film. Les deux soeurs apparaissent caricaturales, l'une est parvenue, parisienne, sans coeur et discrète et la seconde est provinciale, gentille et exubérante. Je vous laisse deviner qui est qui. La charge Paris contre Province est également appuyée et il n'est pas étonnant de constater qu'Alexandra Leclère est une provinciale ayant fui vers la capitale. Etant moi-même parisien ayant passé la majeure partie de sa vie en province, je n'ai pas rencontré de grosses différences de mentalités. Il y en a quand même, je ne le nie pas mais bon. Aussi ce clivage me paraît trop facile et artificiel. Et puis ça ne me fait pas rire. Pouffer de temps en temps.

Ces quelques sourires, je les dédie aux deux actrices, impériales. Mais devant tant de clichés et de facilité, je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer une inversion des rôles entre Frot et Huppert. Retrouver d'une part avec plus de méchanceté la Catherine Frot de Chaos de Coline Serreau (la meilleure) quand elle déclare la guerre aux hommes et Retrouver d'autre part un personnage aussi drôlement inquiétant que la tueuse de La Cérémonie de Claude Chabrol aurait pu être réjouissant. Et le film aurait peut-être gagné en surprise.

Ces quelques réflexions me viennent alors que le film a démarré depuis peu. Et tandis que je réfléchis à une manière de déstabiliser la forme, Alexandra Leclère torture le fond. La farce annoncée commence par s'effriter de partout. Et la réalisatrice ose les ruptures abruptes. La première apparaît sous la forme de vrais retrouvailles des soeurs devant la télé regardant Les Demoiselles de Rochefort. D'abord tendre, le ton se durcit subitement par la révélation de leur vie passée avec leur mère tyrannique et haineuse.

Les Soeurs Fâchées prend alors des tournures bien plus tourmentées. Tournures parfois incongrues : le mari (Bérléand) trompe sa femme Martine, avec sa voisine et amie, tromperie qui semble avoir reçu la bénédiction du propre mari de la voisine. Tournure plus glauque lors d'une scène d'amour conjugale sèche et violente. Je ne parle même pas du garçon d'Huppert, toujours muet, à la fois terrorisé et inquiétant.

La comédie suit le mouvement, si j'ose dire, et devient bien plus acide culminant lors d'un dîner entre amis pathétique et cruel. Le climat du film devient tendu et met même mal à l'aise. Alexandra Leclère alterne avec audace violence sans rompre avec le comique pure comme lorsque Louise, surexcitée à son rendez-vous chez un éditeur, se comporte comme un clown.

Le personnage de Martine rappelle la professeur de l'insupportable La Pianiste de Michaël Haneke film-critique d'un "auteur exigeant" aussi sec que vide d'où je suis sorti enervé de m'être fait avoir d'autant plus que le propos de ce truc m'avait laissé totalement indifférent. Ce n'est pas le cas de cette Martine définitivement plus humaine, les traits demeurent quand même forcés mais en refusant toute mièvrerie et facilité (après le facheux début), Alexandra Leclère est parvenu à me toucher* en décrivant une Louise comme brisée par la vie et qui tente de lui rendre par une méchanceté dont elle est parfaitement consciente.

Les relations entre les deux soeurs sortent alors de l'opposition toute faite comme j'aurais pu m'y attendre pour nous conduire plus loin. Les soeurs sont-elles vraiment fâchées? Elles ne se détestent pas, il n'y a pas vraiment de haine entre elles. A la limite, une certaine jalousie bien sur, ce sont des soeurs. Mais la force du film est de rendre palpable ce lien familial si particulier et si fort, mais cachant un passé à peine effleuré au détour d'une lettre témoignant d'un terrible manque d'amour.
Les Soeurs Fâchées devient les retrouvailles de deux personnages au même passé mais que le manque d'amour maternel a séparé. Louise cherche à tout prix cet amour chez l'autre : sa soeur, son fils, ce père à l'école mais aussi auprès de tous ceux qu'elles croisent comme le montre l'excellente scène où elle va chez son éditeur. Quant à Martine, elle semble peu à peu se refuser à l'idée d'aimer d'où la violence de certaines scènes.

Les Soeurs Fâchées n'est donc pas du tout le film que j'attendais ni que son début annonçait mais un film plutôt âpre qui m'a déstabilisé et, chose extraordinaire pour un film de ce genre, qui me hante. Touché.

La scène qui tue : un geste final : la moue final de Catherine Frot à la gare comme la plus belle touche d'espoir.

Revoir le film : Les Soeurs Fâchées est un film assez éprouvant. Peut-être dans longtemps avec plus grande "expérience".

* Note : en fait j'ai déjà été touché par des films mièvres. Pour la petite histoire j'ai souvent les larmes aux yeux au cinéma mais je pleure peu ou pas. Je me souviens avoir pleuré pour le film My Girl avec Macaulay Culkin. Et oui. Donc je disais ici "touché" plutôt dans le sens "concerné sentimentalement" tout en n'étant pas particulièrement ému.

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