Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

Le château flamboyant



Le Château ambulant
Vu le 14/01/2005 à l'UGC Georges V salle 1 (balcon)
Conditions : excellentes. Non parfaites, le grand écran est en face de moi, je suis légèrement penché sur l'épaule droite de ma petite amie. Je ne la remercierai jamais assez de s'être décalé d'une place pour moi, pour que je vois mieux et que je me tape pas les grosses têtes des spectateurs qui arrivent au tout début de la séance. Je lui avais beaucoup parlé de ce film qui me tenait à coeur.

Pourquoi au fond une telle attente? Hayao Miyazaki ne m'a jamais déçu tout simplement. Je l'ai découvert il y a quelques années lorsque je m'initiai à l'animation japonaise. J'ai commencé par apprendre qu'il était déjà présent au temps de Dorothée avec Sherlock Holmes, série animée pour le moins sympathique, ayant revu quelques épisodes en 1999, où l'on découvre nombreux des thèmes chers au maître notamment les avions. Et tout ce qui vole en fait.

Fin scénariste, Miyazaki raconte brillamment des contes initiatiques simples comme Totoro ou très complexes et symboliques comme Mononoke avec un refus systématique du discours binaire, ce qui le distingue des studios Disney ou Pixar. Miyazaki est aussi un créateur de génie inventant des univers riches en se servant de références aussi bien japonaises qu'occidentales.
Face à cette exigence de l'excellence à tout niveau, on peut aisément imaginer que les dessinateurs de Ghibli ne doivent pas dormir beaucoup et encore moins se marrer tous les jours avec Miyazaki.

Donc oui, bien que la sortie n'a pas fait beaucoup de bruit, j'attendais avec ferveur ce nouveau film de Miyazaki avec cette appréhension propre aux films où je place la barre très haut. J'ai même annoncé à ma petite amie que ce serait peut-être le meilleur film de l'année. Rien que ça.

Le Château ambulant commence donc par ce château, cette grandiose et mystérieuse machine mécanique mais dont le mouvement semble tenir du miracle. Ou plutôt de la magie. L'édifice à vapeur se dirige vers une ville en pleine effervescense avec un style début du vingtième siècle en plus coloré. La claque visuelle est bien là d'entrée avec ce mélange subtil, et toujours amélioré au fil des films, entre synthèse et 2D.

Une rencontre imprévue entre Sophie et un sorcier, Hauru, nous plonge dans le coeur du récit : une histoire d'amour. Encerclé par des monstres gluants humanoïdes, le couple s'envole comme dans Mary Poppins. La féerie opère. Hayao Miyazaki n'a pas son pareil pour instaurer presque brutalement mais comme une évidence un monde complexe et original où la magie surgit sans prévenir.

En fait j'ai même eu un haut le coeur. Les larmes aux yeux, je contemple cet envol et ce coup de foudre magnifique et finalement si simple. Le Château ambulant bouleverse dès les cinq premières minutes.

Le plongeon dans le récit ne tarde pas non plus. Comme dans Chihiro, un maléfice, transformant la jeune Sophie en une vieille femme voûtée et faible, confronte l'héroïne à une nouvelle vie. Etrange malédiction d'ailleurs : elle est incapable de révéler à autrui le mal qui la ronge, la condamnant à l'exil, et plus étrange encore, elle pense comme une personne agée comme si elle avait acquis une sagesse qu'on obtient qu'au seuil d'une vie bien remplie. Cet aspect est mis en avant lors de ces relations avec l'apprenti sorcier, enfant qui utilise son pouvoir pour se déguiser en vieillard.

Parallèlement, la guerre fait rage entre deux royaumes anonymes pour des raisons qu'on ne nous précisera pas. Fidèle a lui-même, Miyazaki n'essaie pas de savoir si la guerre est "bonne" ou non mais il décrit avec acuité son caractère immuable et son déroulement presque classique d'acceptation puis d'incompréhension/rejet. Dans la ville de Sophie, la foule est en liesse au départ de ses vaillantes troupes partant au front "la fleur au fusil". Les uniformes soldats rappellent d'ailleurs ceux des français de 14 avec leurs pantalons rouge vif (un peu voyant comme l'apprendront ces pauvres types envoyés au casse pipe à cause d'un assassinat d'un mec qu'ils ne devaient même pas connaître). Après la liesse vient les bombardements, l'exode, le chaos où alliés et ennemis se confondent. Schéma classique mais à qui se répètera à jamais semble nous dire le réalisateur.

C'est dans ce contexte que Sophie fuit et évolue avec une galerie de personnages étranges : un épouvantail, un démon piégé dans un feu, un chien espion hilarant et des sorciers. Et quels sorciers : la sorcière des landes jettent des maléfices à quiconque entrave sa marche vers le coeur d'Hauru, Suliman avec son apparence bienveillante est en fait un personnage presque inhumain qui décide, avec un roi stupide, du sort du monde sur un coup de tête. Quant à Hauru, c'est un sorcier puissant mais puéril. On est loin des sorciers du Seigneur Des Anneaux. Ici le pouvoir n'apporte aucune sagesse ni même un peu de grandeur, au contraire. Se dessine ainsi un récit sur l'immaturité des humains plutôt pessimiste centrée sur Sophie, complexée et dont l'allure change tout au long du film au gré de ses soucis.

C'est un monde égoiste que Miyazaki nous décrit et qu'il revendique compliquée. Au-moins dans Princesse Mononoke, chacun des "camps", les sangliers, la fabrique, le héros, l'armée, la nature avaient tous des réactions compréhensibles et même parfois défendables. Ici, c'est l'insouciance et l'intérêt personnel qui dominent les réactions de tous les personnages.

Et Miyazaki éclate le récit, ose avec succès les moments de comédie, et impose un rythme frénétique et une richesse visuelle incroyable sans perdre un instant que le film est une histoire d'amour, un amour vrai. C'est alors l'amour sincère qui devient le premier petit pas vers la sagesse. Miyazaki ne renonce pas encore et donne de l'espoir au travers de ces grands moments d'apaisement et de contemplation près d'un lac ou sur un balcon. Malgré tout la dernière partie, expédiée comme souvent dans ses films, est étrange comme si le bonheur gagné ne pouvait être éternel car souvent soumis au bon vouloir du pouvoir ici incarné par Suliman (qui clame un cynique "Vous voulez un happy end ?!")

Le Château ambulant fut comme une expérience intense. Quand je vais au cinéma, quand je regarde le film, je me fais souvent de petites réflexions et j'essaye de penser à la mécanique du film quand elle est visible. Je m'amuse aussi, beaucoup, énormément en vérité mais il est difficile de ne plus penser, essaye pour voir. Lors de la vision de cette oeuvre, à plusieurs reprises, l'espace de quelques minutes, j'ai eu l'impression de toucher le cinéma, de faire totalement corps avec le film. Je ne pensais plus. Peu de films font cet effet.

Je disais un peu avant que Miyazaki refusait le binaire. Ce n'est pas un mal de raconter des histoires binaires, au contraire. Monstres Et Compagnie est une de mes expériences les plus marquantes au cinéma. Un authentique bonheur et un très grand film. C'est une histoire mouvementée pour protéger une petite fille qu'il faut ramener chez elle. Bien sur les deux héros y parviennent comme il faut s'y attendre. Et c'est fini sans regret.
L'émerveillement provoqué par Le Château Ambulant ne repose pas sur la même chose. On voudrait que ce film ne s'arrête jamais.

La scène qui tue : s'il y en avait qu'une...

Revoir le film : evidemment, plusieurs fois.
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