Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

Dr Kinsey

Vu le 10/4/2005 à l'UGC Odéon Salle 3
Langue : anglais
Conditions : bonnes. Une belle petite salle façon théâtre.
Post Générique : non

Alfred Kinsey, ou Prok comme il est surnommé, est un professeur estimé par ses élèves. Excentrique et libre penseur dans une Amérique des années 40/50, son travail d'entomologiste le conduit à collectionner certaines espèces de guêpes. Des dizaines de milliers. Une étude passionnante selon lui car pas une guêpe ne ressemble à une autre. "Et si c'était pareil chez l'homme et la femme et pourquoi n'y a t'il finalement qu'une seule ligne de conduite proposée par la science concernant la sexualité devant cette immense variété?" se dit-il. Il se lance alors dans une étude scientifique qui lui apportera gloire puis rejet. Bref, ça va faire du bruit. Let's talk about sex...

Le Docteur Kinsey a vraiment existé. Le film est son histoire. Il brosse un parcours sans temps mort. Du coup, les inévitables ellipses et raccourcis se succèdent. Mais ce qui nous est proposé ici vaut déjà le détour. Son enfance est placée sous le signe de l'austérité avec un père sévère qui voit dans la modernité le Mal : la fermeture Zip n'offre t'elle pas un accès aisé à la luxure? Ca donne le ton. Alfred décide de plus écouter son père et devient un esprit libre mais fermement scientifique.

Cette origine et ce revirement font de Kinsey un personnage fascinant - Il serait ceci dit idiot de faire une biographie à plusieurs dizaines millions de dollars sur un personnage sans intérêt - Le portrait est flatteur, Kinsey a bouleversé l'Amérique en son temps, mais il n'échappe pas à la critique et aux contradictions. Le metteur en scène Bill Condon développe des aspects intéressants du personnage et notamment sa lutte contre les idées reçues.

Ce n'est cependant pas vraiment la morale qu'on lui a inculquée que Kinsey rejette mais l'influence qu'elle a sur la science particulièrement à propos de la sexualité et qui donnent lieu à des théories farfelues pour transformer homosexualité, cunilingus ou fellation en pathologie aux conséquences graves. Et pour ainsi dire, condamner ces pratiques.

Dr Kinsey se lance alors dans une croisade : informer ses compatriotes sur leurs pratiques sexuelles à partir d'un immense sondage sur tout leur territoire et également de méthodes plus explicites, filmées, mais tout ce qu'il y a de plus expérimental! Deux ouvrages, l'un sur les hommes, l'autre sur les femmes, livreront les résultats. Des résultats révolutionnaires pour l'époque (fort taux de relations extra-conjuguales, d'expériences homosexuelles...) qui permettront aussi aux lecteurs de ne plus avoir honte, de ne plus se sentir isolés.

Mais cette volonté d'informer est un combat sans fin car Kinsey se heurte aux biens pensants (personnifiés par Tim Curry, délicieux ennemi) mais aussi à ses propres principes : le "parler librement" de Kinsey, par exemple discuter avec ses enfants de leur sexualité à table, gêne son fils et provoque sa colère. En voulant à tout prix renoncer à la morale et aux dogmes de son père, Kinsey s'en est construit d'autres, tout aussi criticables. Difficile aussi de rester objectif face à des moeurs terriblement déviants et difficile d'assumer sa liberté de couple lorsque la femme que vous aimez vous demande si elle peut coucher avec un autre (qui se trouvera être l'amant de Kinsey!)...

La femme de Kinsey, Claire joue d'ailleurs un rôle essentiel dans la vie de son marie. Elle est une compagne aimante et dévouée (témoignage d'une époque : elle faisait des études mais a choisi on dirait de rester au foyer), un frein et une muse en même temps. Elle fut même une candidate pour ses expériences. Admirable ou folle, elle le suivra jusqu'au bout. Admirable ou fou, Kinsey l'est aussi, le sexe, le désir devenant surtout des sujets scientifiques. L'épilogue très succinct où il aborde le sujet de l'amour est touchant mais montre peut-être que tout ceci, pour un homme qui voue toute sa vie à la science, semble secondaire.

Pour incarner ce beau couple, il ne fallait pas des rigolos. Laura Linney est fantastique de douceur. Quant à Liam Neeson, je l'adore. Bien que difficilement crédible pour jouer un homme de 25 ans à son âge (dans le genre, j'ai préféré Russel Crowe avec ses costumes étriqués dans Un Homme D'Exception), il est impérial en adulte mûr et obstiné.

Dr Kinsey est une bonne biographie, une étude passionnante qui évite la facilité et le racolage (par puritanisme?) malgré un sujet qui s'y prêtait. C'est aussi un film témoin d'une époque pas si lointaine où les mentalités ont commencé à s'émanciper. Kinsey ne fut pas étranger à cette évolution vers la libération des moeurs. Peut-être en faisons-nous trop désormais...

La scène qui tue : l'entrevue avec l'homme qui a eu des milliers de relations. Eprouvant.

Revoir le film : oui. A la télé. Mais ce n'est pas le genre de film qui passe sur TF1. A 22h30 peut-être.

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