Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

Le Promeneur Du Champ De Mars

Vu le 12/3/2005 à l'UGC CinéCité des Halles Salle 7
Conditions : correctes
Post Générique : non

On voit rarement des politiciens existants, ou ayant existé, au cinéma ces derniers temps en France. Tout juste apercevons-nous un plan de la main de Mitterand dans L'Opération Corned-Beef et le couple Jospin/Chirac dans Taxi 2, apparition si anecdotique que les marionnettes des Guignols De L'Info auraient suffit.

La bio dans le paysage cinématographique français se fait donc plutôt rare, particulièrement pour les hommes politiques. Trop de pression, pas assez "bankable" ou simplement hommes politiques trop peu intéressants? Allez savoir. Mitterand valait quand même bien un film et voilà Ce Promeneur Du Champ de Mars.

Mitterand, 50 ans de politique. Robert Guédiguian tente le pari de dresser un portrait du personnage en fin de vie, une vision plus qu'un portrait fondée sur le livre de George-Marc Benamou, Le Dernier Mitterand. Le réalisateur choisit de raconter la fin du règne du président, nous sommes en 1995, sous la forme d'un face à face entre Mitterand et un jeune journaliste, Antoine, (Jalil Lespert, très bien) improvisé biographe et fasciné par le président.

D'ailleurs, la plupart des protagonistes sont fascinés par le président comme si cette fascination semblait couler de source. Un postulat plutôt difficile à avaler mais ce n'est que mon opinion d'autant que Guédiguian, ne cherche pas à élever Mitterand au delà du statut d'homme. Car ce dernier, tour à tour en pleine forme ou très malade, vit ses derniers instants et joue avec son biographe, parlant beaucoup de la mort, s'amusant à garder ses secrets et s'échinant à ne pas aborder les sujets qui fâchent, à moins que ce ne soit Guédiguian lui-même qui en ai décidé ainsi.
La manière du président d'évoquer son passé trouble pendant la guerre est éloquent. Contraint de lâcher quelques indices à son biographe, Mitterand semble se tromper dans certains faits et dates comme le confirme l'ancienne résistante Simone Picard (Geneviève Casile, un vrai bonheur). Acculé, Mitterand la fustige en l'accusant de gâtisme!

Mais Guédiguian s'intéresse au personnage lui même. Bien aidé par un exceptionnel Miche Bouquet, il excelle à décrire un homme de pouvoir et fasciné par ce pouvoir (comme le montre sa passion pour les rois de France). Un homme très arrogant se considérant comme le dernier vrai président ("les suivants seront des financiers"), conscient qu'il doit passer le relais, la scène où il parle de son soutien à Jospin est très amusante, et terminer sa carrière bientôt. Un départ qui prend la forme d'un curieux pot célébrant son dernier conseil des ministres.

Les clés du pouvoir selon Mitterand semblent claires. D'un côté, un grand sentiment de paranoïa. Mitterand se sent en effet persécuté de tous les côtés, par les siens, ceux du parti socialiste, et par ses ennemis, ceux de droite qu'il a trahis. Il alimente ce sentiment en n'hésitant pas à faire suivre son biographe, acte qui fait presque écho au scandale des écoutes téléphoniques.
Et d'un autre côté, de l'indifférence. C'est Mitterand lui-même qui révèle cet aspect de sa personne. Lorsque quelque chose de douloureux, difficile, va arriver, il assure qu'il "faut mépriser l'événement". Il confie à son biographe sa façon de traiter son entourage entre amitié et profond mépris, méthode qu'il appliquera même à Antoine lors notamment d'un anniversaire où la sincérité de Mitterand deviendra une arme redoutable.

Guédiguian a donc beaucoup de matière. Sa mise en scène est sobre (trop, le film patine parfois) et appliquée avec quelques belles images poétiques (touchante scène dans l'église de Jarnac - je crois). C'est une mise en scène au service d'un scénario très écrit avec de superbes dialogues. Il faut cependant se farcir des intrigues secondaires peu intéressantes, quand elles ne sont pas pénibles. Les relations d'Antoine avec son ex-belle famille communiste sont longuettes et son ex est fondamentalement antipathique. Une fille entière et grande gueule qui, enceinte, le trompe et le quitte. La fille de gauche selon Guédiguian?

Il faut également bien parler de politique, être militant, faire son discours sur "l'argent qui génère que l'argent". On est pas loin de toucher le fond avec une caricature de banquier, symbole du capitalisme putassier, et un dernier "vibrant discours" à la gloire des ouvriers qui, même le film semble le sous-entendre, apparaît un brin cynique. Notons la touche amusante : Tous issus de milieux plutôt populaire, Antoine et sa copine, sont propriétaires d'un bel appartement de 123 m² à Paris. Curieux.

Au final et malgré ces dernières remarques, Guédiguian réussit quelque chose d'étrange, comme si Le Promeneur Du Champ de Mars était une suite, le dernier épisode d'une série, que j'aurais intégralement suivi, sur la vie d'un homme dont on connaît le passé mais de manière encore imparfaite, en attente d'ultimes révélations que cet épisode se gardera bien de livrer.
Le génie de Michel Bouquet prend alors tout son sens. Non, il n'a pas cherché à "faire vrai". Il n'est pas Mitterand, il joue une image du président et pas une image d'Epinal, mais l'image d'un homme de pouvoir fin lettré, érudit, truculent, capricieux, paranoïaque, susceptible, fascinant pour certains, détestable pour d'autres... Et méprisant. Un personnage terriblement complexe. Un beau personnage de fiction.
Guédiguian n'a donc pas fait de l'histoire, il a fait du cinéma. Une expérience, devenu un exercice commun aux USA, mais trop rare ici mais qui, espérons-le, sera renouvelée.

La scène qui tue : Antoine racontant ses déboires amoureux à Mitterand. Ce dernier lui révèle sa philosophie sur le mépris qu'il porte aux choses et aux hommes.

Revoir le film : pourquoi pas, je ne pense pas tout avoir assimilé.
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