Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

De Battre Mon Coeur S'Est Arrêté

Vu le 25/5/2005 à l'UCG George V salle 11
Langue : français
Conditions : bonnes
Post Générique : non

Tom a 28 ans et un avenir tout tracé dans le monde des marchands de bien, boulot au quotidien parfois difficile mais lucratif. Il retrouve par hasard un proche de sa défunte mère, pianiste talentueuse, qui lui propose une audition. Et si celle-ci lui permettait de changer de vie?

La musique comme échappatoire? Sur le même thème il y avait Danny The Dog il y a quelques temps. On pourra lui préférer ce beau De Battre Mon Coeur S'Est Arrêté. A quoi Tom veut-il échapper? A cette vie toute tracée tout simplement, cette vie dans ce monde méprisant et méprisable. Une réalité au quotidien sombre faite de combines douteuses, une partie du travail de Tom consistant à jeter des rats dans des immeubles pour les sous-évaluer ou à expulser, parfois avec violence, des SDF en quête de propriétés inhabitées.

Tom est en plus entouré de collègues navrants. L'un passe son temps à tromper sa femme Aline (Aure Atika, inattendue et pas mal du tout) en prenant Tom comme alibi, l'autre est un beauf ne comprenant rien à sa passion. Des "amis" de circonstance plutôt étouffants.

Le piano semble alors la seule alternative exaltante de la vie de Tom. La préparation de son audition n'a pourtant rien d'une évasion. Tom ne joue pas avec le coeur mais avec ses tripes, en souffrance comme le suggèrent ses grimaces douloureuses au moment où il s'exerce. Mais cette manière de jouer témoigne aussi de son abandon total à la musique, de sa volonté de changer. Avec le piano, Tom se créé une porte de sortie et rompt avec son autre vie en se mettant en danger car il délaisse peu à peu son travail et sort avec Aline précipitant, inconsciemment sans doute, sa rupture avec ses collègues.

Un suspense se met alors en place autour de cette fameuse audition où Tom pourra décider de son destin et suivre les traces de sa mère malgré la forte désapprobation de son père, Robert, joué par un Niels Arestrup qui apporte à ce personnage pathétique cette drôle d'impression d'être constamment au bout du rouleau.

L'image du père et la relation père/fils sont au coeur du film. Ce ne sera pas une surprise car De Battre Mon Coeur S'Est Arrêté débute sur un monologue d'un homme face à Tom. Un monologue clé, exaltant et intriguant, qui il explique comment il a du s'occuper de son père. Le film raconte cette transition où la relation père/fils est inversée, où le fils devient le père en quelque sorte. Robert infantilise peu à peu, présente ses copines à son fils ("c'est une pute!" dit son fils comme dirait un père), fait des conneries, tente de jouer dans la cour des grands et persévère dans le chantage affectif. A Tom le devoir de l'aider à s'en sortir, de se comporter en adulte responsable.

De Battre Mon Coeur S'Est Arrêté est bien un film au scénario riche et dense. Jacques Audiard en extrait une oeuvre limpide filmée à hauteur d'homme. Sa mise en scène se focalise exclusivement sur Tom et enchaîne les gros plans pour montrer les sentiments, les impressions qui ressortent des personnages. Et si le film ressemble à un film noir, la justesse des dialogues et des situations renforcent le réalisme de l'histoire évitant de la rendre totalement optimiste ou totalement pessimiste. C'est peut-être pour cela que le suspense autour de l'audition de Tom ainsi que des affaires de son père fonctionne à merveille jusqu'à cette fin ouverte et légèrement ironique car sous la forme d'une reproduction des schémas parentaux.

Toujours à l'écran, Romain Duris n'avait pas le droit à l'erreur et finalement impressionne. Habité quand il joue du piano, sérieux et cynique quand il parle de son travail à un tiers (ici un chef d'orchestre), timide face à sa professeur, arrogant avec les filles. Un grand acteur complet s'est révélé sous nos yeux (quoique je le trouvais déjà fantastique dans tous les films de Cédric Klapisch)

Que ce soit dans la relation père/fils inversée ou dans la description d'un milieu sordide auquel Tom souhaite se soustraire, Jacques Audiard signe donc un film humain, parfois désespérément humain, un film à la fois sensible et dur qui échappe à un genre prédéfini sans être déroutant. Une belle réussite.

La scène qui tue : une scène presque à la fin qui tue au sens propre, d'une violence très réaliste dont le résultat est tout simplement l'affiche du film.

Revoir le film : même s'il est excellent, ce n'est pas le genre de film que je reverrai (à court terme).
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By Anonymous Anonymous, at 10:38 PM  

Lire le blog en entier, pretty good  



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