Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

La Guerre Des Mondes

Vu le 7/6/2005 à l'UGC Normandie salle 1
Langue : anglais
Conditions : bonnes
Post Générique : non

Cette critique décrit la plupart des quelques rebondissements du film ainsi que les scènes fortes aussi je conseille aux quelques lecteurs de voir ce film formidable avant de lire ceci.

Ray Ferrier (Tom Cruise) est un docker content de lui. Il pilote un énorme engin avec maîtrise. Il est bon dans son boulot. Il est New Yorkais. Il aime la mécanique. Un moteur de voiture trône sur la table de la cuisine. Il est aussi un mari divorcé et un père peu considéré par ses deux enfants. En même temps, il n'y met pas trop du sien. Il n'aide même pas sa fille à porter sa grosse valise et sa maison est un vrai bordel. Et il écrasé par le nouveau mari de son ex, Tim. Tim qui est formidable, qui a un 4*4 pour conduire partout les enfants en toute sécurité, qui paye l'école de ses enfants, qui installe le câble dans la chambre de sa fille Rachel (Dakota Fanning). Le week-end qu'ils vont passer tous les trois ensemble changera t'il la donne?

Par la suite, personne ne cherchera à changer quoi que ce soit. Seul l'instinct l'emportera car "ils" sont là. Ils sont même déjà là : leurs machines de morts sont enfouis profondément sous terre. Ce "Ils", Ray n'osera jamais dire qui ils sont, pas une seule fois le mot alien ou extraterrestre n'est prononcé il me semble. Mais nous savons tous ce qu'ils font : ils exterminent méthodiquement et parfois cruellement avec une technologie avancée et radicalement différente de la notre (une scène laisse penser qu'ils ne connaissent pas la roue, sans doute était-ce évoqué dans le roman original que je n'ai pas lu).

Pourrait-on s'en tenir pour cette Guerre Des Mondes au simple entertainement estival? Théoriquement oui. Après tout, Steven Spielberg a presque inventé le genre, le blockbuster hollywoodien qui sort en été, avec Les Dents De La Mer. Allié à Tom Cruise qui n'a pas encore fait de bide cette décennie, La Guerre Des Mondes pouvait difficilement surprendre en tant que divertissement grand public. Le résultat est là : La Guerre Des Mondes est bien un film d'action au tempo soutenu servi par de multiples effets spéciaux et pyrotechniques. Toujours au top, Spielberg réalise des scènes de suspense variées intelligemment agencées : batailles de grandes envergures, destructions massives, scènes avec un grand nombre de figurants, huis clos intimiste dans une cave...

Du travail de pro donc auquel s'ajoute la patte d'un vrai auteur avec des visions incroyables particulièrement ce train en flamme au passage à niveau qui passe à toute vitesse devant une foule hagarde submergée d'horreur jusqu'à la nausée.

Malgré tout, les échos dans mon entourage sur le film sont finalement peu enthousiastes. Je sais qu'à chaque film à gros budget avec tout plein d'effets spéciaux, j'entendrai toujours les commentaires pesants et passe partout comme "Ce film est très américain", "il n'y a pas de scénario", "il y a des drapeaux partout", "Et bien sur, il y a un happy end". Comme régulièrement, j'ai aussi droit aux diatribes des grincheux qui ont décidé de ne pas aimer le film avant de l'avoir vu parlant généralement d'une sorte de Independance Day Bis, que j'aime un peu soit dit en passant, alors que nous devons convenir que l'approche et le traitement ne sont pas les mêmes (ID4 parlant de résistance, La Guerre Des Mondes n'étant qu'une longue fuite). Bref, j'ai l'impression que La Guerre Des Mondes a déçu. Pourtant le film offre justement plus qu'un entertainement estival inoffensif car Spielberg ne fait pas joujou avec des effets spéciaux. Il raconte une aventure humaine.

Spielberg a plongé une seule famille au coeur de la tourmente et n'hésite pas à sortir des "modèles" courants : cette famille n'a par exemple pas grand chose d'héroïque. Elle est même menacée à chaque moment du film de stupeur et de renoncement à commencer par Ray qui, avant de se prendre en main et partir avec ses enfants (en n'oubliant pas de sortir presque solennellement son revolver de dessous son lit), demeure assis par terre et muet pendant une longue minute choqué par la machine de mort, un tripode, qu'il vient de voir à l'oeuvre. Peu après, Rachel, la plus jeune, symbolisera cette menace. Son humeur sera toujours en dents de scie, paniquant à grand cri, fuyant parfois de manière irrationnelle, pétrifiée d'effroi ou pleurant en tenant fermement à la main son trophée devenu pathétique : un troisième prix d'un concours hippique. Notons à ce propos un refus du réalisateur de se soumettre à cet artifice scénaristique consistant à présenter le "talent" d'un protagoniste et qui le met à exécution plus tard dans le film. Une technique utilisée dans de nombreux films comme par exemple Le Monde Perdu (on se souvient tous avec émotion de la mise à mal d'un raptor par une petite fille championne de gym) du même auteur. Et donc dans ce film, Rachel ne montera pas à cheval pas plus d'ailleurs que Ray utilisera son talent de grutier.

L'autre enfant, Robbie, est un jeune rebelle et patriote. Un naïf légèrement inculte qui évoque la possibilité que l'Europe puisse être responsable de ces attaques! Une réflexion qui laisse songeur quand on sait en plus que ce même gamin était censé effectuer un devoir sur l'occupation française en Algérie... Robbie est donc l'enfant qui veut en découdre, qui veut aider et sauver les autres, qui veut résister. Des intentions nobles certes mais gâchées par son égoïsme, Robbie veut plus ou moins devenir un héros et n'hésite pas à abandonner sa soeur à son père alors qu'il lui reprocha ses manquements et justement son égoïsme, et aussi une curiosité presque morbide qu'il manifestera lors de la bataille entre l'armée et les tripodes.

Ce ton résolument dramatique du film laisse facilement penser que Spielberg aurait pu choisir une tragédie familiale, il préfère évoquer l'espoir et la reconstruction dans un happy end classique mais considéré par beaucoup malvenu.

J'ai fini par trouver cette conclusion tout à fait cohérente. Comme notre monde à la fin du film, les relations entre Ray et sa famille sont dévastées Et comme dans plusieurs de ses films, la reconstruction du lien familial ou plutôt son surgissement, comme les machines ce lien a toujours été là, est souvent provoqué par des événements marquants.

L'événement est ici de taille : c'est l'extermination de l'humanité. Dans ces circonstances de menace d'extinction, seul l'instinct de conservation compte et Spielberg nous le balance en pleine gueule en centrant toute l'action sur le père, Ray. Mué par une force insoupçonnée qui n'est autre que l'instinct de conservation des siens et la volonté de les regrouper, il choisira de retrouver son ex-femme et ses parents. Rien, vraiment rien de plus. Et tous les autres ne compteront pas vraiment comme le souligne son peu de motivation à tenter de sauver une autre famille lors de l'embarquement sur le ferry.

Ce goût de la protection serait-il encore un raccourci de ces saloperies d'impérialistes donneurs de leçon? Non. Spielberg nous fait juste remarquer qu'il faut distinguer l'instinct paternel au rôle que confère notre société au père.
Dans cette perspective, Ray sera capable de tout pour défendre et sauver ses enfants mais il se révélera presque toujours incapable de dédramatiser la situation pour aider les siens, particulièrement Rachel, à faire face. Les quelques moments de repos ne seront là que pour prouver que Ray est un mauvais père. Impuissant, il préfère demander à Robbie le soin de calmer sa soeur. Il est tout aussi incapable de tenir tête à son fils quand il lui fait des reproches et échoue à cacher, alors qu'il le voulait à tout prix, toute l'horreur de la situation à Rachel la laissant voir des centaines de corps sans vie suivre le lit d'une rivière.
Mais l'instinct paternel, insoupçonné, est bien là : Ray protège sa progéniture coûte que coûte face aux tripodes mais aussi face à ses semblables. Ce sont visiblement des hommes seuls, ou qui ont tout perdu, sans famille en tout cas, qui tenteront de prendre possession de sa voiture, en déchirant à la main le pare brise de sa voiture. C'est à ce moment qu'il choisira d'utiliser son arme, forcé d'abandonner son véhicule mais guidé par une unique obsession : récupérer ses enfants.

Revenons donc à la scène de la bataille : dans cette hallucinante séquence, j'ai des frissons rien qu'en pensant à ce moment du film, la bataille ne sera pas vraiment montrée mais seulement l'assaut presque pathétique de l'armée avec leurs F16 en rase motte et une poignée de jeeps et de chars d'assauts. Obstinée, Robbie avouera qu'il veut VOIR la bataille obligeant Ray à un choix douloureux : abandonner son fils ou sa fille, elle-même sur le point d'être récupérée par un couple la croyant seule.
Devant cet atroce dilemme, c'est peut-être l'instinct qui va parler et Ray décidera de faire confiance à son fils. Une véritable profession de foi, un moment fondateur où un père s'impose totalement en prenant la responsabilité de laisser son fils au profit de sa fille plus fragile. Ayant vu l'explosion monumentale sur les lieux de la bataille, Ray aura la certitude que son fils est en vie. Ainsi la fin, et peut-être tout le film, trouve son sens dans le choix de Ray et est transcendée par cette accolade maladroite entre Ray et son fils Robbie. Ray avait raison. Il a maitrisé un instinct primaire, une force brute qu'il avait toujours en lui.

Le huis clos dans la cave face à un homme seul, Harlan (Tim Robbins), et presque fou sera l'illustration de l'ampleur de la détermination du père et des devoirs qu'elle impose. L'analyse des séquences dans le magazine Mad Movies est à ce titre excellente et décrit l'idée selon laquelle Harlan serait l'incarnation physique de l'ennemi intérieur de Ray et auquel il mettra un terme. Et, Ray parviendra à protéger sa fille et a obtenir sa confiance à travers une berceuse maladroite mais salvatrice et un sauvetage désespéré, seule moment où l'action de Ray, détruire un tripode, peut-être qualifiée d'héroïque.

Finalement, le choix de centrer le film sur Ray/Tom Cruise dépasse la probable obligation contractuelle de filmer le plus possible la star car Spielberg a choisi de réaliser un film sur un père, sur la paternité et même sur la nature humaine. La Guerre Des Mondes dresse un état des lieux sur nous-mêmes, pauvres petits humains, jusqu'à nos contradictions. Ce n'est pas nécessairement beau à voir (une explication partielle de cet petit enthousiasme public?)

Je ne suis vraiment pas sorti indemne de cet éprouvant film. Il est cependant pour moi un film important. Car cette Guerre Des Mondes là peut-être vu comme un éloge de la famille. A notre époque et vu les critiques que j'ai entendu justement à propos de ce sujet, ce n'est vraiment pas un mal.

La scène qui tue : le parcours sur l'autoroute sur plusieurs kilomètres. Ray essaie vainement de calmer ses enfants, tout le monde crie et pleure dans la voiture qu'il vient de voler. Autour d'eux, des milliers de voitures arrêtées. La sienne roule à toute vitesse et la caméra tourne autour, sort et rentre dans la voiture pendant que la petite famille tente de faire le point. Il m'a fallu un certain temps pour m'apercevoir que non seulement ce magnifique plan est nécessairement numérique mais que le décor tout autour est peut-être faux.

Ce que ma copine en a pensé : c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures. Cet adage s'applique parfaitement au film La Guerre des mondes. Depuis Orson Welles et son histoire d'extra-terrestre radiodiffusé, et voyant que cela fonctionnait à merveille sur le spectateur, les producteurs hollywoodiens se frottent les mains. Encore une histoire d’extra-terrestre, me direz-vous ? Oui mais voilà, je me suis laissée prendre au jeu du scénario catastrophe car il était fort bien mené et sans temps mort. Il faut dire que les bonshommes verts sont particulièrement vils et méchants et également plein de ressources pour ce qui est d’éradiquer l’espèce humaine. Ce qui m’a plus particulièrement frappée, c’est le son qu’ils qu’émettent et que l’on entend inlassablement tout au long du film : une mise en condition du stress du spectateur rondement menée et qui fonctionne, encore, à merveille.

Revoir le film : oui, le DVD fera vite parti de ma collection.
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By Anonymous Anonymous, at 2:17 AM  

On m'empêchera pas de penser que l'ideologie véhiculée par le film est assez puante. D'ailleurs pour la scène de la cave, je rappelle que dans le roman il ne s'agit aucunement d'un redneck qui a pété un boulon, mais bien d'un vicaire.
en effet, le deux ex machina de la fin ne sert qu'à appuyer la faiblese de l'homme et non pas de faire l'apologie d'une quelconque religion, le roman étant franchement anticlérical, aspect complétement zappé par Spielberg.

Bref, je ne peux que recommander la lecture du roman excellent, plutôt que cette adaptation que je trouve raté.
Idem si une lectrice ou un lecteur est tenté par The Island, allez acheter Logan's Run en dvd. Le peu que j'ai vu du scenario et du trailer annonce un plagiat honteux, sans la présence de Michael York et de Peter Ustinov (ce dernier aurait eu du mal à jouer dedans ceci dit).  



By Blogger Aska, at 2:07 AM  

Je comprends tes remarques sur le film mais je ne suis pas spécialement un fan de la comparaison livre/adaptation (sans doute parce que je ne lis pas beaucoup:) ) et suis plus intéressé par la vision que nous donne un réalisateur/scénariste qu'il a du roman.

Ceci dit, occulter la partie religieuse ne m'étonne pas vu que la situation actuelle n'est pas la même qu'en 1898. Aujourd'hui, la religion catholique est l'une des seules religions que le politiquement correct ambiant permet de critiquer (de conspuer même). Ce n'était donc peut-être pas la peine de s'acharner...

Je n'ai jamais vu ce Logan's Run mais effectivement on parle beaucoup de similitudes avec The Island, gros bide US soit dit en passant. J'ai toutefois hâte de voir le film. La bande annonce est très efficace et assez jolie.  



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