La Moustache
Vu le 6/7/2005 à l'UGC Rotonde Salle 1
Langue : français
Conditions : correctes, pas beaucoup de monde mais j'étais assez mal assis et ce n'est pas vraiment mon genre de salle (façon théatre)
Post Générique : non
"Et si je me rasais la moustache?" demande Marc (Vincent Lindon) à Agnès (Emmanuelle Devos) qui répond :"Je ne sais pas, je t'aime bien avec, je ne te connais pas sans". Et Agnès sort faire quelques courses. Marc se rase alors très méthodiquement la moustache. Agnès revient et Marc, amusé, se cache le visage puis se dévoile. Agnès n'a aucune réaction comme si elle avait toujours connu son mari sans moustache.
Le film La Moustache bascule dès la deuxième scène. En 1h26, Emmanuel Carrère ne se permet pas de prendre la pose et rentre tout de suite dans le vif de son intriguant sujet. Sa mise en place d'un couple très aisé et aimant s'est faite en une jolie scène.
Nous comprenons donc vite que personne parmi les proches de Marc ne remarquera qu'il a rasé sa moustache. Il n'en aurait même jamais porté! Persuadé de s'être rasé la moustache, Marc n'acceptera pas le fait qu'il est peut-être fou et il dilapide maladroitement ses "preuves" de sa bonne foi. Des preuves pourtant matérielles, solides : de nombreuses photos ainsi qu'une attestation officielle par une femme flic au joli minois et même ses poils retrouvés dans une poubelle! Mais il était peut-être trop tard car son entourage va se trouver bouleversé ou même "effacé", toute sa vie en somme. Cette histoire de moustache menace et efface tous les souvenirs de Marc. Il est désorienté, confus, entêté et finalement apeuré :"Tu vas pas disparaître?" lance t'il à sa femme. Une peur qui plane aussi sur le spectateur, le réalisateur prenant systématiquement le point de vue de Marc.
Les preuves de son équilibre lui échappant, Marc choisit la fuite plutôt qu'une nouvelle confrontation avec ce qu'il lui reste de vie. Et cette confusion dans son esprit est peut-être la raison d'être de la dernière partie du film. Tout son univers s'étant effondré, Marc fuit à l'opposé de Paris dans l'anonymat puis il tourne en rond au sens propre jusqu'à l'absurde. Un chemin de souffrance, une errance sans but dans l'incompréhension et dans la perte d'un amour devenu indispensable :"Sans tes yeux, je ne vois plus rien" essaye t'il d'écrire à sa femme. Cette errance semble être la consommation de la fin de son mariage où se mélange folie et résignation, fantasme et schizophrénie.
Carrère a donc pris le parti délibéré de nous perdre complètement sans livrer de clés, de liens. Cette dernière partie défie toute logique et nous plonge dans un mystérieux onirisme alignant des plans superbes comme le dos magnifique de Devos. Déroutant, un peu abscons, un peu philosophique, de quoi nous laisser sur la route. Mais Carrère a le mérite de jouer à l'économie de moyen et d'effets avec un film court et des dialogues précis et peu nombreux. La montée en puissance jusqu'à la chute et le progression psychologique des personnages sont passionnants.
Le metteur en scène sait aussi s'entourer des meilleurs : le montage (par Camille Motte que je ne connais pas du tout), particulièrement à Hong Kong est surprenant tout comme est à la fois pertinente et inquiétante l'utilisation de la musique de Philip Glass. Et que dire du tandem Lindon/Devos si ce n'est qu'il forme un vrai et poignant couple de cinéma.
Enfin, Carrère sait filmer des jolies scènes et des jolies plans qui nous marquent à l'image de ces troublantes et bouleversantes dernières images. Bref, il a du style et le prouve avec ce bon film. Il a les moyens de faire de vrais thrillers encore plus surprenants.
La scène qui tue : les dernières images tout comme leur découpage sont vraiment superbes. Le tout dernier plan est-il triste ou heureux?
Ce que ma copine en a pensé : La moustache est un film dérangeant portant sur l'identité, la recherche d'identité et le changement d'identité d'une personne. Avez-vous déjà été témoin de cette scène ? Un dîner entre amis et d'un coup, vous vous demandez ce que vous faites là. Vous ne vous sentez plus à votre place et mal à l'aise. Et vous n'avez plus qu'une envie : sortir. C'est ce que le héros ressent dans une des premières scènes du film. Cependant s'il a envie de sortir, moi j'avais envie de rester pour comprendre comment l'entourage d'un homme qui se rase la moustache peut être aussi aveugle. Finalement, il n'y a peut être rien à comprendre. Le surréalisme du film l'emporte sur mon prosaïsme intellectuelle.
Revoir le film : Je ne sais pas. peut-être.
Langue : français
Conditions : correctes, pas beaucoup de monde mais j'étais assez mal assis et ce n'est pas vraiment mon genre de salle (façon théatre)
Post Générique : non
"Et si je me rasais la moustache?" demande Marc (Vincent Lindon) à Agnès (Emmanuelle Devos) qui répond :"Je ne sais pas, je t'aime bien avec, je ne te connais pas sans". Et Agnès sort faire quelques courses. Marc se rase alors très méthodiquement la moustache. Agnès revient et Marc, amusé, se cache le visage puis se dévoile. Agnès n'a aucune réaction comme si elle avait toujours connu son mari sans moustache.
Le film La Moustache bascule dès la deuxième scène. En 1h26, Emmanuel Carrère ne se permet pas de prendre la pose et rentre tout de suite dans le vif de son intriguant sujet. Sa mise en place d'un couple très aisé et aimant s'est faite en une jolie scène.
Nous comprenons donc vite que personne parmi les proches de Marc ne remarquera qu'il a rasé sa moustache. Il n'en aurait même jamais porté! Persuadé de s'être rasé la moustache, Marc n'acceptera pas le fait qu'il est peut-être fou et il dilapide maladroitement ses "preuves" de sa bonne foi. Des preuves pourtant matérielles, solides : de nombreuses photos ainsi qu'une attestation officielle par une femme flic au joli minois et même ses poils retrouvés dans une poubelle! Mais il était peut-être trop tard car son entourage va se trouver bouleversé ou même "effacé", toute sa vie en somme. Cette histoire de moustache menace et efface tous les souvenirs de Marc. Il est désorienté, confus, entêté et finalement apeuré :"Tu vas pas disparaître?" lance t'il à sa femme. Une peur qui plane aussi sur le spectateur, le réalisateur prenant systématiquement le point de vue de Marc.
Les preuves de son équilibre lui échappant, Marc choisit la fuite plutôt qu'une nouvelle confrontation avec ce qu'il lui reste de vie. Et cette confusion dans son esprit est peut-être la raison d'être de la dernière partie du film. Tout son univers s'étant effondré, Marc fuit à l'opposé de Paris dans l'anonymat puis il tourne en rond au sens propre jusqu'à l'absurde. Un chemin de souffrance, une errance sans but dans l'incompréhension et dans la perte d'un amour devenu indispensable :"Sans tes yeux, je ne vois plus rien" essaye t'il d'écrire à sa femme. Cette errance semble être la consommation de la fin de son mariage où se mélange folie et résignation, fantasme et schizophrénie.
Carrère a donc pris le parti délibéré de nous perdre complètement sans livrer de clés, de liens. Cette dernière partie défie toute logique et nous plonge dans un mystérieux onirisme alignant des plans superbes comme le dos magnifique de Devos. Déroutant, un peu abscons, un peu philosophique, de quoi nous laisser sur la route. Mais Carrère a le mérite de jouer à l'économie de moyen et d'effets avec un film court et des dialogues précis et peu nombreux. La montée en puissance jusqu'à la chute et le progression psychologique des personnages sont passionnants.
Le metteur en scène sait aussi s'entourer des meilleurs : le montage (par Camille Motte que je ne connais pas du tout), particulièrement à Hong Kong est surprenant tout comme est à la fois pertinente et inquiétante l'utilisation de la musique de Philip Glass. Et que dire du tandem Lindon/Devos si ce n'est qu'il forme un vrai et poignant couple de cinéma.
Enfin, Carrère sait filmer des jolies scènes et des jolies plans qui nous marquent à l'image de ces troublantes et bouleversantes dernières images. Bref, il a du style et le prouve avec ce bon film. Il a les moyens de faire de vrais thrillers encore plus surprenants.
La scène qui tue : les dernières images tout comme leur découpage sont vraiment superbes. Le tout dernier plan est-il triste ou heureux?
Ce que ma copine en a pensé : La moustache est un film dérangeant portant sur l'identité, la recherche d'identité et le changement d'identité d'une personne. Avez-vous déjà été témoin de cette scène ? Un dîner entre amis et d'un coup, vous vous demandez ce que vous faites là. Vous ne vous sentez plus à votre place et mal à l'aise. Et vous n'avez plus qu'une envie : sortir. C'est ce que le héros ressent dans une des premières scènes du film. Cependant s'il a envie de sortir, moi j'avais envie de rester pour comprendre comment l'entourage d'un homme qui se rase la moustache peut être aussi aveugle. Finalement, il n'y a peut être rien à comprendre. Le surréalisme du film l'emporte sur mon prosaïsme intellectuelle.
Revoir le film : Je ne sais pas. peut-être.