Lady Vengeance – Park Chan Wook
Vu le 16/11/2005 à l'UGC Triomphe salle 1
Langue : coréen et un peu d'anglais
Conditions : correctes
Post Générique : non
L'histoire en une phrase : Geum-ja sort de prison après 15 ans de détention. Elle va se venger.
Note : les plus malins des lecteurs décoderont sans doute facilement la plupart des rebondissements du film s'ils lisent ce commentaire. Bref, ça spoile à partir de la moitié de cet article (je l'indique). Aussi je leur conseille de voir le film avant et d'aller directement au petit résumé final qui ne fait que dire ceci : Lady Vengeance, c'est génial.
Lady Vengeance est le troisième film de la trilogie sur la vengeance de Park Chan Wook, c'est à la mode les trilogies ces derniers temps, après Sympathy For Mister Vengeance et Oldboy. Notons que le titre initial fut Sympathy For Lady Vengeance. Pourquoi avoir raccourci le titre? Je l'ignore.
Rappelons un peu mon « avec Park Chan Wook. C'est sur l'écran de mon ordinateur portable que j'ai découvert Joint Security Area, JSA, qui fut un de ces chocs qui n'arrive que rarement et excessivement rarement sur un si petit écran. Un choc tant sur la forme que sur le fond. JSA racontait une histoire d'amitié entre des soldats coréens, du Nord et du Sud, à un poste frontière. Admirablement mis en scène et bourrés d'idées, d'un humour, d'une gravité étonnante et d'émotion (cf mon commentaire sur les films coréens à propos de The President's Last Bang), le film révélait un auteur dont j'ai cherché à retenir le nom espérant que nous puissions voir un jour ses prochains films, JSA n'étant jamais sorti au cinéma en France et que récemment en DVD.
Je n'étais heureusement pas le seul à avoir reconnu l'auteur comme majeur et sa trilogie sur la vengeance fut un peu plus médiatisée. Ainsi, le premier opus, Sympathy For Mr Vengeance eut droit à une sortie ciné en 2003 et fut classé numéro un dans le top dix annuel de Harry Knowles en 2002 (ce n'est pas rien – les « de Knowles sont par ailleurs vraiment intéressants). J'ai répondu présent la semaine de la sortie et ce fut à nouveau un choc. Dans Sympathy For Mr Vengeance, les vengeances en cascade semblent aussi nécessaires que douloureuses psychologiquement et physiquement. S'ajoute un humour parfaitement glacial (et pourtant parfois potache) et un cruel penchant pour la fatalité.
Encore plus médiatisé, OldBoy fut sélectionné à Cannes et rata de peu la palme d'or, le festival du cinéma préférant privilégier la politique plutôt que le cinéma (Fahrenheit 9/11 a bien des qualités mais quand même... - OldBoy récupéra le prix du jury). Il sortit en grande pompe en France. Je tins pour ce film ce langage (un peu d'autocitation ne fait pas de mal et fait gagner du temps) :
Le pitch est incroyablement excitant : un homme sans histoire se retrouve enfermé, dans des conditions décentes, pendant 15 ans dans un petit studio sans aucune once d’explication. Première surprise : les séquences avant pendant l’enfermement sont d’une telle efficacité narrative que nous nous retrouvons au bout d’une vingtaine de minutes avec le « héros », Dae-su Oh, libéré de son calvaire tout aussi abasourdi que lui. En vingt minutes, Park Chan Wook nous a totalement emporté (et déjà manipulé). Il reste alors 1h40 de film. 1h40 largement à la hauteur de cette introduction fulgurante.
Dae-su Oh devient alors, on pourrait dire naturellement, vengeur et veut savoir qui est derrière cette terrible machination où il n’hésitera pas se montrer cruel notamment face à un monstrueux chef d’ « entreprise ». Mais son enquête semble balisée comme un jeu de piste grandeur nature à la The Game et celle-ci nous dirige vers une autre interrogation : non pas qui mais pourquoi ?
Le jeu de Park Chan Wook est magnifiquement orchestré au suspense haletant et aux multiples rebondissements. Et contrairement aux « gags » terriblement noirs de son précédent film, « Old Boy » est souvent franchement drôle même si ce n’est pas non plus le but du film qui est par ailleurs également franchement violent. Park Chan Wook décrit un homme (Min-sik Choi, quel interprète !) qui après 15 ans de captivité n’est devenu que violence, même en amour. En plus de maîtriser son propos, le réalisateur maîtrise totalement l’image. « Old Boy » est beau. Et virtuose, comme l’atteste la fameuse et longue scène de combat dans le couloir.
Mais là où « Old Boy » est le plus passionnant, c’est dans la volonté du metteur en scène de nous en donner toujours plus dans une surenchère nous conduisant vers une résolution sans concession. « Sympathy for Mr Vengeance » était un monument de violence graphique mais aussi psychologique car toute espérance était, habilement, bannie à jamais, la vengeance n’étant jamais une quête joyeuse. Apparemment plus accessible, « Old Boy » va plus loin et place délibérément le spectateur dans une position inconfortable entre bonheur et trahison. Difficile en tout cas de rester de marbre car « Old Boy » est une œuvre singulière, un film qui laisse des marques.
Et voici donc ce troisième opus après une plutôt courte attente, les trois films étant sortis sur une période de deux ans. Attention commence ici quelques révélations sur le film.
Lady Vengeance commence par un générique de larmes et de sang renversant puis par la sortie de prison de l'héroïne, Geum-ja, après des années de prison pour un meurtre, nous l'apprenons vite, qu'elle n'a pas commis. Toute la première partie est une flamboyante présentation racontée par plusieurs ex-taularde évoquant leurs liens et leur fidélité à Geum-ja qui les a toutes aidées pendant leur séjour derrière les barreaux. Sans être un film de prison, Lady Vengeance décrit une saisissante vie carcérale classique, promiscuité, viol, violence, soumission/domination, meurtre (à l'eau de javel!), amitiés solides, réinsertion..., tout en y ajoutant des éléments plus originaux, vision « religion, types de condamnation (pour adultère par exemple).
Autour de l'évocation des années de prison, se mêle le retour à la liberté de Geum-Ja qui retrouve ses anciennes « et qui les impliquent dans la préparation de sa vengeance. Jusqu'ici, Lady Vengeance n'est qu'une succession de moments, d'idées et d'images divins servant un récit apparemment alambiqué. Mais l'histoire est au final plutôt claire et on éprouve un véritable plaisir à rassembler les morceaux du récit comme un puzzle. C'est le signe d'une mise en scène fluide et maîtrisée.
Le reste du film, l'exécution de la vengeance, mêle avec bonheur tension, humour et rebondissements. Le point culminant sera le jugement dans une école désaffectée par des parents d'enfants kidnappés et tués. Un jugement dur avec un visionnage de vidéos presque obscène d'enfants qui pleurent ou qui sont mis à mort. Tout les talents de Park Chan-Wook sont résumés dans cette séquence. Le plus évident est sa façon de retourner de manière originale des thèmes, la vengeance ici, sans cesse abordés au cinéma. L'aboutissement de tout le film jusqu'à cette scène est très imprévisible, Park Chan-Wook transformant la vengeance de cette femme en quelque chose de plus collectif et conduisant à un choix difficile : faire justice soi-même ou remettre le tueur aux mains de la justice. Des questions très prosaïques sont abordées également comme celle de l'argent. Le réalisateur sait instaurer aussi un climat de tension et d'émotion hors norme grâce à un découpage et des plans judicieux et beaux. Enfin, il explore les limites du cinéma, sur ce qu'on peut montrer sans rentrer dans la provocation facile et factice.
Le placement de l'humour dans cette histoire grave (il s'agit quand même de meutres d'enfants) est une nouvelle fois audacieux. Pour l'exécution elle-même façon Crime De L'Orient Express, règlement de comptes serait un terme plus juste, Park Chan-Wook privilégie, dans un premier temps, le hors champ dans une salle d'attente improvisée où les proches endeuillés sont confrontés sans doute pour la première fois à la réalité, la vengeance n'étant auparavant pour eux, qu'un fantasme, un exutoire. Leurs réactions sont presque drôles. Renforcées par la présence d'un inspecteur de police qui s'occupe des préparatifs de l'exécution, elles font même parfois rire (comme lors du choix des armes blanches).
Après « anniversaire en état d'apesanteur (« ange passe dit un protagoniste, Lady Vengeance se termine par une conclusion abrupte, peut-être un peu trop en fait, mais extraordinairement belle. Sous la neige, entouré d'êtres purs, Geum-ja se questionne sur son avenir et sur sa rédemption (troublante scène dans les toilettes où Geum-ja enlève son rouge sous les yeux, signe que sa vengeance est accomplie) avec la douleur, comme seul horizon.
Lady Vengeance fait la part belle aux acteurs. Nous retrouvons plusieurs protagonistes des précédents films de Park Chan-Wook dans des petits rôles. Nouvel objet de la vengeance, Min-sik Choi, héros de OldBoy, a un rôle très différent de salaud terriblement dérisoire dont la seule justification sera un pathétique, et terrifiant, « n'est parfait La vraie vedette et la vraie révélation est Lady Vengeance alias Geum-Ja interprété par Yeong-ae Lee, déjà dans JSA. Elle tire encore plus haut un film déjà de haute volée. Elle est belle, grave, triste et déterminée.
Avec sa beauté, ses idées, sa fantastique musique (de Vivaldi), Lady Vengeance clôture donc avec grandeur la trilogie de Park Chan-Wook. A la sortie du film, je me suis dit qu'il était le film le plus accessible des trois, l'odieux fatalisme du premier opus et la violence psychologique (l'inceste étant au coeur de ce film) du second pouvant en rebuter plus d'un. Je crois maintenant que c'est une fausse impression, mon objectivité étant mis à mal après les quatre films exceptionnels de l'auteur. Je suis devenu un partisan de l'oeuvre de Park Chan-Wook.
La scène qui tue : Un moment inoubliable. La vengeresse explique à sa fille anglophone sa vengeance avec un interprète pour le moins inattendu. Un très grand moment d'émotion et la révélation d'une actrice totalement habitée par son rôle, Yeong-ae Lee.
Revoir le film : oui
Mon avis express : Bourrées d'images et d'idées démentes, Lady Vengeance combine une forme et un fond passionnant. Attention cependant, Lady Vengeance est une oeuvre excessive, l'adhésion comme le rejet peuvent se révéler brutaux.
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