Les Ames Grises
Vu le 5/10/2005 à l'UGC Montparnasse salle 5
Langue : français
Conditions : bonnes
Post Générique : non
L'histoire en une phrase : en 1917, dans un village français non loin de la ligne de front, le meurtre d'une petite fille met ses habitants en émoi.
Les Ames Grises décrit d'abord une époque et une ambiance dans ce village proche du front. La normalité est impossible : la guerre est tout à côté, les rues sont traversées continuellement par des colonnes de soldats partant ou revenant du front. Et partout rôde un climat de tension et de peur qui jaillit sans prévenir. La scène dans l'école du village résume cette tension : les élèves s'entraînent à mettre correctement leur masque à gaz. Peu à peu, l'instituteur explose, crie et se déshabille devant des enfants silencieux. Les Ames Grises décrit la folie ordinaire dans ce qu'il a de plus quotidien.
Jamais le récit ne nous amènera au front. Yves Angelo choisit de s'attarder sur une poignée d'hommes restés à l'arrière. Ce sont des garants des institutions : avocats, juges, maires, policiers, instituteurs... Le village essaye en effet tant bien que mal de maintenir ses institutions par la recherche, par exemple, d'un instituteur pour les enfants ou par le maintien de la justice et de l'ordre.
Ces hommes ne sont donc pas au front, ne s'y trouveront sans doute jamais. Ils préfèrent tenter de faire semblant, comme si la guerre n'existait pas. On n'en parle pas : quand un membre jeune de sa famille part au front, les adieux avec le frère, un policier, (Denis Podalydès) se font en silence. Plus troublant est ce procureur Destinat (Jean-Pierre Marielle) qui, dans un implacable plaidoyer, exige la mort pour un homme qui l'a donnée alors qu'elle se donne en toute « légalité » à quelques kilomètres. Une sorte de paradoxe.
Les passages porteurs d'espoir sont peu nombreux et personnifiés par l'institutrice suppléante (Marina Hands) qui a peur mais qui semble encore vouloir vivre en regardant la guerre en face à travers sa « contemplation » du troublant et chaotique champ de bataille, ses nombreuses lettres à son petit ami parti au front, et son baiser volé à un blessé de guerre.
Mais le ton du film laisse naturellement penser que personne ne sortira indemne de cette époque troublée. Ce sont les morts en dehors du théâtre des opérations, dont le meurtre d'une fillette, qui vont explicitement révéler que les protagonistes sont tous à bout, accablés comme si leur vie était perdue, comme si cette guerre n'offrait aucune échappatoire si ce n'est de basculer dans l'horreur, de profiter de cette époque de troubles si l'occasion se présente. Ainsi le juge Mierck, secondé par un officier inquiétant et presque muet, est un homme méprisant et cruel. Les scènes d'interrogatoire sont éprouvantes et le juge est si cynique dans ses monologues et ses attitudes que Les Ames Grises flirte avec la fanstamagorie et l'humour noir. Dans une de ses toutes dernières compositions, Jacques Villeret est magistral et même pas inattendu car ce rôle lui sied finalement bien. Le reste des acteurs est bien sur à la hauteur, tous semblant toujours traîner au fond d'eux une douleur insaisissable.
Esthétiquement, Yves Angelo soigne ses décors et ses images tout en teintes grises d'une beauté et d'une gravité presque surprenantes. Les Ames Grises fut plutôt critiqué pour son académisme, pour son aspect « qualité française ». Au fond, ce n'est pas un mal, on dit souvent de Clint Eastwood qu'il est un réalisateur académique, et en plus Angleo a su distiller la marche de la fatalité avec fermeté en évitant toute lourdeur, tout effet tape à l'oeil jusqu'à ce final énigmatique et prosaïque à la fois. Pour ces raisons et pour l'histoire qu'il raconte, Les Ames Grises s'impose déjà comme un des beaux films français de l'année.
La scène qui tue : une scène dure de torture physique et mentale où l'officier pousse un déserteur à demi nu dans le froid glacial à avouer un crime.
Revoir le film : presque curieusement oui. J'ai envie de revoir le film, de retrouver son ambiance. J'aime assez peu les films graves où le sort s'acharne. Par exemple, dans le genre, A L'Ombre De La Haine est une purge (avec une jolie fin toutefois).
Langue : français
Conditions : bonnes
Post Générique : non
L'histoire en une phrase : en 1917, dans un village français non loin de la ligne de front, le meurtre d'une petite fille met ses habitants en émoi.
Les Ames Grises décrit d'abord une époque et une ambiance dans ce village proche du front. La normalité est impossible : la guerre est tout à côté, les rues sont traversées continuellement par des colonnes de soldats partant ou revenant du front. Et partout rôde un climat de tension et de peur qui jaillit sans prévenir. La scène dans l'école du village résume cette tension : les élèves s'entraînent à mettre correctement leur masque à gaz. Peu à peu, l'instituteur explose, crie et se déshabille devant des enfants silencieux. Les Ames Grises décrit la folie ordinaire dans ce qu'il a de plus quotidien.
Jamais le récit ne nous amènera au front. Yves Angelo choisit de s'attarder sur une poignée d'hommes restés à l'arrière. Ce sont des garants des institutions : avocats, juges, maires, policiers, instituteurs... Le village essaye en effet tant bien que mal de maintenir ses institutions par la recherche, par exemple, d'un instituteur pour les enfants ou par le maintien de la justice et de l'ordre.
Ces hommes ne sont donc pas au front, ne s'y trouveront sans doute jamais. Ils préfèrent tenter de faire semblant, comme si la guerre n'existait pas. On n'en parle pas : quand un membre jeune de sa famille part au front, les adieux avec le frère, un policier, (Denis Podalydès) se font en silence. Plus troublant est ce procureur Destinat (Jean-Pierre Marielle) qui, dans un implacable plaidoyer, exige la mort pour un homme qui l'a donnée alors qu'elle se donne en toute « légalité » à quelques kilomètres. Une sorte de paradoxe.
Les passages porteurs d'espoir sont peu nombreux et personnifiés par l'institutrice suppléante (Marina Hands) qui a peur mais qui semble encore vouloir vivre en regardant la guerre en face à travers sa « contemplation » du troublant et chaotique champ de bataille, ses nombreuses lettres à son petit ami parti au front, et son baiser volé à un blessé de guerre.
Mais le ton du film laisse naturellement penser que personne ne sortira indemne de cette époque troublée. Ce sont les morts en dehors du théâtre des opérations, dont le meurtre d'une fillette, qui vont explicitement révéler que les protagonistes sont tous à bout, accablés comme si leur vie était perdue, comme si cette guerre n'offrait aucune échappatoire si ce n'est de basculer dans l'horreur, de profiter de cette époque de troubles si l'occasion se présente. Ainsi le juge Mierck, secondé par un officier inquiétant et presque muet, est un homme méprisant et cruel. Les scènes d'interrogatoire sont éprouvantes et le juge est si cynique dans ses monologues et ses attitudes que Les Ames Grises flirte avec la fanstamagorie et l'humour noir. Dans une de ses toutes dernières compositions, Jacques Villeret est magistral et même pas inattendu car ce rôle lui sied finalement bien. Le reste des acteurs est bien sur à la hauteur, tous semblant toujours traîner au fond d'eux une douleur insaisissable.
Esthétiquement, Yves Angelo soigne ses décors et ses images tout en teintes grises d'une beauté et d'une gravité presque surprenantes. Les Ames Grises fut plutôt critiqué pour son académisme, pour son aspect « qualité française ». Au fond, ce n'est pas un mal, on dit souvent de Clint Eastwood qu'il est un réalisateur académique, et en plus Angleo a su distiller la marche de la fatalité avec fermeté en évitant toute lourdeur, tout effet tape à l'oeil jusqu'à ce final énigmatique et prosaïque à la fois. Pour ces raisons et pour l'histoire qu'il raconte, Les Ames Grises s'impose déjà comme un des beaux films français de l'année.
La scène qui tue : une scène dure de torture physique et mentale où l'officier pousse un déserteur à demi nu dans le froid glacial à avouer un crime.
Revoir le film : presque curieusement oui. J'ai envie de revoir le film, de retrouver son ambiance. J'aime assez peu les films graves où le sort s'acharne. Par exemple, dans le genre, A L'Ombre De La Haine est une purge (avec une jolie fin toutefois).