Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

Le Secret De Brokeback Mountain

Vu le 24/01/2006 à l'UGC Normandie Salle 1
Langue : anglais
Conditions : bonnes
Post générique : non

L'histoire en une phrase : Jack et Ennis vivent une passion foudroyante lorsqu'ils gardent un troupeau de moutons, une passion qui ne les quittera plus.

Critique :

Le Secret De Brokeback Moutain a des allures de western moderne. Jake et Ennis sont certes des cowboys mais nous sommes loin des canons du genre. Rien dans leur activité est sublimé, comme si l'âge d'or était passé. Un cowboy garde les animaux du troupeaux, donne à manger aux vaches, roule dans des voitures pourries et se nourrit essentiellement de haricots... un quotidien peu réjouissant et peu rémunérateur au vu de la vie que mènera Ennis tout au long du film. Ne reste que quelques vestiges : les tenues vestimentaires, avec les chapeaux et qui évoluent peu à peu jusqu'à l'esthétique que le grand public (i.e. moi) connaît bien grâce à Dallas, et bien sur les beaux panoramas.

C'est sur cette base que le metteur en scène Ang Lee tente de faire accepter l'histoire d'amour entre les deux hommes aux spectateurs. Toute la première partie s'y emploie dans les magnifiques paysages de Brokeback Mountain où Jack et Ennis gardent un troupeau de moutons séparément. Quelques activités (la chasse), des conversations/confessions du grave (Ennis racontant son enfance) à l'amusant (le mélange du troupeau avec un autre – à bien y réfléchir, ça ne doit cependant pas être drôle du tout à vivre) vont peu à peu les rapprocher . Et ce qui aurait pu être le point de départ d'un autre western parlant d'une histoire d'amitié (par exemple, Open Range) devient une histoire d'amour relativement improbable et déclenchée par un embarrassant coup du sort (cuite + froid glacial). Improbable car elle n'aurait pas vraiment été évidente pour moi si je n'avais pas su à l'avance la nature de la relation entre Jake et Ennis.

Et je ne vais pas ici faire semblant de ne m'attacher qu'aux sentiments, de faire le grand tolérant qui ne fait pas la distinction entre hétérosexualité et homosexualité tout simplement parce que ce n'est pas si simple : les passions entre hommes me laissent froid et celle-ci est amenée à peu près proprement mais sans flamme. Et la scène de sexe, heureusement courte, m'a mis mal à l'aise.
Un malaise d'autant plus grand que leur relation possède une certaine violence, en partie due au refoulement des deux hommes puis à leur frustration au moment de la séparation, si bien que c'est un peu l'amour vache (ou mouton comme on m'a soufflé) ce que je n'aime pas non plus particulièrement (c'était rudement mieux fait dans Match Point d'ailleurs).

Ne me reste plus qu'à accepter cette passion pour suivre le film. La plénitude que vivent les deux hommes une fois qu'ils ont franchi leurs craintes réservent d'ailleurs quelques jolies moments. La séparation est également assez douloureuse et très silencieuse, comme leur rencontre. La deuxième partie du film démarre. Brokeback Mountain n'est alors plus un western mais un authentique et beau mélodrame sur un amour impossible.

La psychologie des deux amants est pour beaucoup dans cette réussite. Chacun des deux amants sont animés d'une même passion mais d'une vision sur celle-ci radicalement opposée. Sensible, Jack vit dans un rêve. Il cache son homosexualité, nous sommes dans un monde où elle est très difficilement acceptée, mais finit par la reconnaître comme le montre sa visite à la frontière mexicaine. Il est même prêt à la déclarer en rêvant sa vie avec Ennis. Jack vit dans l'espérance, prêt à tout abandonner et à en payer les conséquences.
Bourru, le dialogue court, Ennis tombe dans l'excès inverse. Il est aussi fou amoureux que Jack mais incapable d'assumer cet amour auquel il n'est pas préparé, auquel il n'avait jamais pu songer, son enfance étant marquée par un épisode tragique. Il finit par être complètement bloqué, incapable de vivre, ni bon amant, ni bon mari, car excessivement maladroit pour cacher sa liaison à sa femme Alma (Michelle Williams). Il ne peut alors plus rien exprimer. Seule sa fille aînée lui arrache quelques moments d'affection.
Il fallait pour renforcer ces aspects deux acteurs solides et complémentaires. Jake Gyllenhaal et Heath Ledger se révèlent être un choix miraculeux. Et au jeu du « lequel des deux est le meilleur », j'avouerais une certaine préférence pour Heath Ledger qui m'avait déjà fortement impressionné dans Les Frères Grimm.

La mise en scène d'Ang Lee a, quant à elle, beaucoup d'élégance et le sens du non dit. Plusieurs éléments resteront en suspens dans Brobeback Mountain notamment sur l'événement qui mènera à la dernière partie du film mais aussi la relation entre Ennis et sa famille, particulièrement ses enfants dont seule la fille aînée semble encore le voir.
Ang Lee évite aussi tout poncif formel, limitant au maximum coïncidences et quiproquos, et ne cède pas aux clichés comme celui de l'homosexuel chochotte. Il en joue même de manière indirecte lors l'affirmation de la virilité de Jack, représentant le plus sensible des deux hommes, face à sa belle famille lors d'un dîner de Thanksgiving drolatique autour d'un poste de télévision.

Et il filme bien l'antagonisme des deux personnages, nécessairement au coeur de la relation qui ne consistera plus qu'à revivre, le temps d'une poignée de week-ends par an, la saison qu'ils vécurent à Brokeback Mountain. Chacun de ces moments exacerbera de plus en plus leurs différences et l'impossibilité et la folie de leur amour.
Ang Lee trouve finalement le ton juste pour nous raconter cette histoire d'amour. La pression extérieure est tout le temps présente dans le film mais l'auteur montre que c'est surtout la pression que les deux amoureux se créent, la vie qu'ils mènent, qui les déstabilisent. Et Ang Lee n'aura donc pas besoin de recourir à des éléments externes pour achever son film mais juste de la simple et terrible fatalité.

C'est la dernière partie sous forme de pèlerinage qui est véritablement bouleversante et profondément mélodramatique. Quinze ou vingt minutes de grand cinéma qui nous happent, trop heureux d'avoir vu un film dont la qualité va crescendo. Il faudra alors être de marbre pour ne pas être touché par le dernier plan. Pathétique, dérangeant, triste. Marquant. J'en suis encore tout troublé. Ang Lee m'a eu.

La scène qui tue : voir le dernier paragraphe de la critique.

Mon avis express : Ang Lee raconte l'histoire de deux âmes soeurs, leur amour impossible. D'abord western bancal où l'histoire d'amour est racontée comme une histoire d'amitié avec une cuite qui fait passer à l'acte, Le Secret De Brokeback Mountain devient peu à peu un grand et beau mélodrame tout en retenue au final inoubliable.

Revoir le film : oui (il faudrait que je m'y mette car, à part Star Wars 3, je n'ai pas revu un seul film de 2005)
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