Le Cinéma d'Aska

des films, du cinéma, de la télé, moi.

Calvaire

Vu le 26/3/2005 à l'UGC Ciné Cité des Halles salle 8
Langue : français
Conditions : bonnes
Post Générique : non

Résumé : Le chanteur d'opérette Marc Stevens part faire des galas dans le Sud mais se perd dans les petites routes du plat pays. Il est accueilli par un aubergiste, ancien humoriste, mais qui, depuis que sa femme l'a quitté, n'a plus vraiment toute sa tête. Le titre du film va alors parfaitement convenir à la condition du pauvre chanteur.

Je ne vois pas trop de films belges. J'ai en mémoire des films comme Aaltra, Les Convoyeurs Attendent, C'Est Arrivé Près De Chez Vous... trois films qui, tiens, ont tous la particularité d'avoir Benoît Poelvoorde dans leur distribution.
Ce n'est pas le cas de Calvaire. Les styles de ces films ne sont bien sur pas vraiment identiques mais on ne peut s'empêcher de trouver quelques similarités d'atmosphère : une atmosphère très ancrée dans un quotidien terre à terre et généralement pourri. Ce n'est pas sans rappeler l'excellente émission Strip Tease.

A ce titre, Calvaire démarre très très fort en nous présentant le chanteur Mark Stevens se maquillant et chantonnant face à un miroir dans une pièce épurée et marronnasse. Mark Stevens n'est pas un chanteur à succès mais un de ces artistes qui parcourt les maisons de retraite et les galas estivaux. Son spectacle face à un public de retraitées (que des femmes) et une infirmière amoureuse (Brigitte Lahaie, toujours belle) donne le ton : cape rouge avec son nom brodé en couleurs dorées et timbre suave. Son départ vers d'autres galas provoque chagrin et jalousie. Mark Stevens est un bon garçon, gentil et un peu timide.

Bien sur tout ceci n'est qu'une mise en place mais elle est superbe. Partant d'un environnement où les femmes manquent d'hommes, Stevens va se trouver rapidement entouré d'hommes qui manquent de femmes, et qui ont beaucoup moins de scrupules. C'est le cas de Paul Bartel un aubergiste qui a perdu son enthousiasme depuis que sa femme l'a quitté. On ne peut pas dire que ça tourne rond chez lui et Mark l'apprendra à ses dépends.

Et Fabrice Du Welz frappe un grand coup. Si la première partie est assez longue, elle est aussi presque indispensable. La mise en scène, précise et économique (peu de mouvements et de dialogues) s'attache à des détails très troublants nous invitant à comprendre le personnage de Bartel, son immense solitude et son basculement dans la folie mais aussi sa profonde tristesse. Il est qui plus est remarquablement interprété un Jackie Berroyer à l'air bonhomme mais indéniablement étrange. Et fou finalement comme cette deuxième partie de Calvaire qui se transforme en un survival sordide et puant.

Du Welz n'épargne alors pas son héros et les scènes fortes s'enchaînent à un rythme désespérant avec des moments souvent insoutenables mais pas repoussants ou énervants. Car, au vu de la première partie, rien ne semble gratuit mais presque cohérent, crédible.
Avec l'introduction des personnages du village (dont Philippe Nahon) et ces extérieurs changeants (le temps pendant le tournage fut chaotique et la forêt dans le film est tour à tour enneigée ou pluvieuse!), le récit devient presque un conte macabre, un conte sur l'amour fou ainsi qu'une traque sans concession et visuellement réussie.

Le metteur en scène a également deux excellentes idées. D'une part, il maintient coûte que coûte Calvaire dans une atmosphère poisseuse mais vraie n'incluant le vraiment bizarre et déviant que par petites mais mémorables touches (comme ce moment de transe dans le bar ou l'apparition de nains dans la forêt). D'autre part, l'humour à froid est perceptible tout au long du métrage, un humour qui repose surtout sur la sincérité qui émane de Bartel. Ainsi, on ne peut s'empêcher de rire lorsqu'il raconte une blague ou lorsque, passant son temps à traquer Stevens comme pour retrouver sa femme, il lance : "L'obstination, c'est la clé de tout".

Enfin, le réalisateur rend un fier hommage à ses pairs comme Tobe Hooper, lorsqu'il reprend le principe du "dîner qui rend fou" avec gros plan des yeux comme dans Massacre A La Tronçonneuse, ou Martin Scorsese avec toute une scène en vue de dessus à la manière du final de Taxi Driver.

Quant à Mark Stevens, Laurent Lucas l'incarne à la perfection avec une sobriété exemplaire. Il a une approche de ses rôles assez originale comme l'atteste ses incursions dans le thriller Harry, Un Ami Qui Vous Veut Du Bien, ou la comédie Rire Et Châtiment. Un acteur à suivre absolument tout comme j'attends avec impatience le prochain film De Welz .

La scène qui tue : lorsque Bartel coupe les cheveux à un Stevens anéanti et suppliant en plan fixe. Terrorisant.

Revoir le film : difficile à dire. En fait il faudrait que je voie Délivrance dont Calvaire reprend le principe. Eh oui, je ne l'ai jamais vu.
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